Chronique internationale – Achaïra n° 261 – lundi 1eravril 2024

Pour cette chronique internationale, nous reviendrons sur le cas connu de Julian Assange et sa défense par Noam Chomsky, qui devait être présentée lors de la précédente émission et que nous actualiserons ce soir. Nous aurons aussi quelques brèves internationales.

* Le tout dernier recours du célèbre hackeur australien, Julian Assange, a eu lieu les20 et 21 février 2024.

La justice britannique a examiné la possibilité de faire appel de son extradition aux États-Unis, une demande acceptée en juin 2022 par le gouvernement britannique. Une audience décisive pour l’Australien de 52 ans, à laquelle il n’était pourtant pas présent à cause de son état de santé. C’est courant mars au plus tôt que Julian Assange saura s’il peut présenter son ultime appel au Royaume-Uni pour empêcher l’extradition vers les États-Unis. Si cet ultime appel était écarté, l’extradition pourrait intervenir très rapidement, dans les 48 heures. Ses avocats présenteraient alors un recours de la dernière chance auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.

Julian Assange est poursuivi pour avoir publié plus de 700 000 documents confidentiels concernant les activités diplomatiques et militaires américaines en Afghanistan et en Irak. En Juillet 2010, ces documents sont révèlés au grand public sur la plateforme WikiLeaks, qu’il a fondée en 2006. Il risque une peine de 175 ans de prison, pour dix-neuf chefs d’inculpation, dont « espionnage » et « complot », selon l’acte d’extradition présenté à la justice britannique en mai 2019.

Le 20 août 2010, deux Suédoises accusent Julian Assange de viol et d’agression sexuelle. Visé par un mandat d’arrêt international émis par la Suède, il se rend à la justice britannique. Il obtient ensuite une libération conditionnelle. Julian Assange trouve refuge à l’ambassade de l’Équateur à Londres à partir du 19 juin 2012. Il y passe sept ans enfermé dans une salle de 30 mètres carrés, sans accès à l’air libre, afin d’éviter une extradition vers la Suède. L’enquête est finalement clôturée en novembre 2019, sans qu’aucune plainte n’ait été déposée par la justice suédoise à l’encontre de Julian Assange ! Le changement de président en Équateur, marque un tournant dans l’affaire Assange. Il est interpellé au sein des locaux de l’ambassade par la police britannique. Il est depuis enfermé dans la prison de haute sécurité à l’est de Londres.

* Noam Chomsky l’a défendu lors du procès qui eut lieu en septembre 2020 au Royaume Uni, dans le cadre de la demande d’extradition des États-Unis, il traite de la nature politique des actions de Julian Assange.

Chomsky rappelle l’observation de Samuel Huntington, professeur américain de science politique, connu pour son livre intitulé « Le Choc des civilisations » paru en 1996 : « les stratèges du pouvoir aux États-Unis doivent créer une force qui peut être ressentie mais non vue. Le pouvoir reste fort quand il reste dans l’obscurité. Exposé à la lumière du soleil, il commence à se dissiper ».

Les actions de Julian Assange, qui ont été qualifiées de criminelles, sont des actions qui exposent le pouvoir à la lumière du soleil – des actions qui peuvent provoquer l’évaporation du pouvoir si la population saisit la chance de voir ses citoyens devenir indépendants dans une société libre plutôt que les sujets d’un maître qui opère dans le secret. On a compris depuis longtemps que le public a la capacité de faire s’évaporer le pouvoir.

C’est pourquoi l’industrie des relations publiques est devenue la plus grande agence de propagande de l’histoire de l’humanité. Cette institution a vu le jour il y a environ un siècle, lorsque les élites ont réalisé que trop de liberté avait été gagnée pour qu’il soit possible de contrôler la population par la force, et que donc ce sont les opinions qui devraient être contrôlées. C’est ce que Chomsky nomme par ailleurs « La fabrique du consentement ».

Les documents qui ont été rendus publics ont très rarement quelque chose à voir avec la sécurité, sauf avec la sécurité des dirigeants face à leur ennemi intérieur, leur propre population. Chomsky mentionne un cas contemporain, celui des accords commerciaux mondiaux, ce sont en réalité des accords concernant les droits des investisseurs camouflés sous le vocable de libre-échange.

Le crime présumé de Julian Assange, en s’efforçant de dévoiler les secrets du gouvernement, est de violer les principes fondamentaux du gouvernement, de lever le voile du secret qui protège le pouvoir de la curiosité, l’empêche de s’évaporer.

* Quel a donc été le résultat de ce dernier recours ?

La Haute Cour britannique a donc rendu sa décision ce mercredi 27 mars 2024 matin concernant la recevabilité de son ultime appel au Royaume-Uni pour empêcher l’extradition vers les États-Unis. Le jugement (de 66 pages), apparemment en demi-teinte, n’est pas facile à interpréter. Il offre un répit mais s’inscrit dans la continuation du calvaire judiciaire que subit Julian Assange depuis 14 ans.

Les deux juges de la Haute Cour ont ouvert la voie à un appel mais de façon limitée, celui-ci porterait sur les trois points suivants (les avocats du fondateur de WikiLeaks en avaient présenté neuf pour motiver le rejet de l’extradition) :

  • violation du droit à la liberté d’expression (si Assange ne bénéficie pas aux États-Unis de la protection du premier amendement de la Constitution) ;
  • risque de préjudice en raison de la nationalité (si Assange ne bénéficie pas, en tant qu’Australien, des mêmes droits qu’un citoyen états-unien) ;

  • les poursuites engagées par les États-Unis exposent Assange à la peine de mort (le département de la Justice US a pour l’instant refusé de s’engager à garantir qu’il ne serait en aucun cas exécuté – cf. cet article).

Dans le même temps, la Haute Cour invite Washington à présenter d’ici le 16 avril des « garanties » sur ces trois points. Il s’agit de « rassurer » la justice britannique. Souvenons-nous que les États-Unis avaient remporté un appel en décembre 2021 contre le jugement de première instance (qui avait refusé l’extradition) en soumettant de telles « garanties », celles-ci étant considérées comme très peu fiables par de nombreux observateurs avisés.

Si Washington adresse à la Haute Cour des engagements analogues, une audience aura lieu le 20 mai à l’issue de laquelle on devrait savoir si Julian Assange est oui ou non définitivement autorisé à présenter son ultime appel. Si les États-Unis ne présentent pas de « garanties » ou le font d’une façon jugée non satisfaisante, le fondateur de WikiLeaks sera automatiquement autorisé à faire appel. On comprend de tout cela que l’extradition redevient possible dans deux mois.

Dans ses déclarations, l’équipe de défense de Julian Assange a signifié qu’elle était mécontente de la décision. Stella Assange est apparue particulièrement outrée. Il y a de quoi. La Haute Cour a en effet rejeté, entre autres, la nature politique des poursuites contre le fondateur de WikiLeaks et le risque que l’extradition ne viole plusieurs de ses droits fondamentaux (droit à un procès équitable, droit à la vie, droit de pas être soumis à des traitements cruels ou inhumains).

De plus, la décision de la Haute Cour refuse aux avocats d’Assange la possibilité de présenter de nouveaux éléments lors de l’appel. Ils ne pourront donc pas faire valoir l’espionnage d’origine états-unienne dont Julian Assange fut la cible dans l’ambassade d’Équateur à Londres et les projets de kidnapping/assassinat qui ont circulé au sein de la CIA lorsque Michael Pompeo en était le directeur.

Les deux juges ont estimé que ces plans étaient sans rapport avec la procédure d’extradition puisqu’ils ne sont plus d’actualité (ils écrivent que la CIA craignait à l’époque une fuite vers la Russie) et que s’il était extradé, le journaliste australien ne risquerait plus d’être kidnappé ou assassiné par l’agence puisqu’il se trouverait légalement en détention aux États-Unis… Une fois encore, Kafka est battu avec l’affaire Assange.

Il est dans l’essence du lawfare (instrumentalisation politique de la justice) de faire durer au maximum le supplice judiciaire et ses conséquences tout en maintenant (de très loin) les apparences de l’État de droit. L’assassinat au ralenti d’un prisonnier politique se poursuit. Comme l’a dit à de nombreuses occasions Stella Assange, cette affaire est à 1% juridique et à 99% politique. La mobilisation ne doit donc pas faiblir, il nous faut informer et alerter sans relâche tant que Julian Assange ne sera pas libre. Il s’agit pour l’instant d’empêcher l’extradition mais la seule issue juste c’est la libération, l’abandon des poursuites et l’indemnisation.

 

* Quelles autres informations internationales ?

À propos de la Palestine ?

  • «Tous ceux qui expriment des idées nouvelles peuvent intervenir au sein de l’école pour mesurer leur effet sur un auditoire d’élite. Nous devons leur faciliter cette épreuve». C’est par cette phrase que le père fondateur de Sciences Po, Émile Boutmy, a exprimé le point de départ de la création de cette institution ! C’est ce que rappelle un communiqué de plus de 60 organisations étudiantes des Science Po dénonçant les interdictions et censures dans divers Science Po dans la dénonciation du génocide en cours à Gaza.
  • Scandale d’État : la France arme le génocide, le gouvernement a menti

La France fournit à Israël des pièces pour des fusils mitrailleurs utilisés à Gaza. Ce sont les révélations du média d’investigation Disclose (https://disclose.ngo/fr/article/guerre-a-gaza-la-france-equipe-en-secret-des-mitrailleuses-utilisees-par-larmee-israelienne) – qui avait déjà été inquiété par la police (https://contre-attaque.net/2023/09/19/une-journaliste-perquisitionnee-et-placee-en-garde-a-vue-par-la-dgsi/) pour ses travaux sur les ventes d’armes françaises – et de Marsactu (https://marsactu.fr/une-entreprise-marseillaise-expedie-des-composants-pour-fusils-mitrailleurs-vers-israel/).

Leur enquête évoque une cargaison expédiée en secret depuis Marseille, en totale contradiction avec les engagements du gouvernement français.

https://contre-attaque.net/2024/03/27/des-composants-made-in-france-dans-les-mitrailleuses-israeliennes/

  • Stop Arming Israel France organise une première réunion inter-organisations pour lancer la campagne « Pas d’armes israéliennes à Eurosatory 2024 ».

Le salon international d’armement Eurosatory va avoir lieu en région parisienne (Villepinte) du 17 au 21 juin. 69 entreprises israéliennes sont déjà annoncées. Des grands noms comme Elbit, IAI ou Rafael seront présents. Des nouveaux venus comme Smartshooter qui s’est fait connaître récemment car ses armes sont utilisées actuellement sur les gazaouis : drone équipé de fusil sniper (Smash Dragon), et pistolet automatique en haut des immeubles (Smart Shooter).

L’idée est de mettre la pression en amont, sur l’organisateur du salon : le GICAT, le lobby des entreprises d’armement en France.

Nous pensons que la revendication « Pas d’armes israéliennes à Eurosatory 2024 » est un objectif atteignable :

On a appris le 6 mars que le Chili interdisait la présence d’Israël au salon de l’armement qui va avoir lieu en avril.

A titre de comparaison, depuis son invasion de l’Ukraine, la Russie est interdit de venir dans de nombreux salons d’armement de part le monde.

  • Malgré la résolution de l’ONU exigeant un cessez-le-feu à Gaza, les bombardements israéliens se poursuivent :

https://click.mlsend2.com/link/c/YT0yNDQ1MjE4MTk5NDgyOTI2NjQzJmM9aDR4OSZlPTE3NjQmYj0xMzAxMTk3MTQyJmQ9cDNkMGk1cQ==.zlMnxjPHcZy9JTDjFh4ssy_Sh700I9mOdowQVb-DVHc

  • À Gaza, le spectre de crimes de guerre commis par des Français que le gouvernement refuse de poursuivre !

À Gaza, le spectre de crimes de guerre commis par des Français | Mediapart

  • Le « Port de Biden » à 6 buts pour Gaza, mais aucun n’est humanitaire

https://blogs.publico.es/puntoyseguido/14227/el-puerto-de-biden-tiene-seis-objetivos-para-gaza-y-ninguno-es-humanitario/

Joe Biden tente de faire parler de lui, ais il s’agit d’une nouvelle base militaire américaine, l’armée américaine en Irak est prête à participer à la guerre, il poursuit la militarisation de l’Eurasie, après avoir installé une douzaine de bases en Syrie, aider Israël à s’emparer des énormes réserves de gaz palestiniennes au large de Gaza, décongestionner le port israélien de Haïfa, et pouvoir fournir à Israël des armes et un soutien logistique pour la grande guerre qu’il a préparée contre le Liban.

  • Israël : qui sont ses principaux fournisseurs d’armes ?

Israël : qui sont ses principaux fournisseurs d’armes ? (lemonde.fr)

Israël : qui sont ses principaux fournisseurs d’armes ? | Assawra – الثورة (La Révolution)

Dans l’ordre, ce sont : États-unis, Allemagne, Italie (mais plus après le 7 octobre 2023), Royaume-Uni, France, Canada, Espagne (mais plus après le 7 octobre 2023), Pays-Bas (arrêt des livraisons après le 12 février 2024 par décision de justice en appel).

Ailleurs dans le Monde ?

  • Tchernobyl, 38 ans de déni :

Le mois d’avril, 38ème anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl, sera l’occasion d‘un temps fort de la campagne anti-nucléaire fédérale : dossier dans Le Monde Libertaire, animations à Publico, sortie en librairies de La pieuvre nucléaire paru aux Éditions du Monde Libertaire, participation aux initiatives de la « Coordination nationale antinucléaire », émissions sur Radio Libertaire.

Trous Noirs sur Radio Libertaire (trousnoirs-radio-libertaire.org)

  • Grande mobilisation dimanche 24 mars à Buenos Aires en Argentine pour la commémoration du coup d’État de 1976.

L’anniversaire de ce coup d’État criminel se déroule dans un contexte très grave et dangereux en raison du gouvernement de Javier Milei, un président d’extrême droite, ultra-libéral, négationniste des violations des droits de l’homme pendant la dictature, qui fait l’apologie du terrorisme d’État et développe une politique antisociale, liberticide et répressive.

Depuis son entrée en fonction, Milei et son gouvernement ont également promu un discours violent contre les mouvements des droits de l’homme et les organisations sociales, avec des insultes contre les victimes de la dictature et les disparus, des mensonges, de fausses accusations et des menaces physiques contre les activistes.

De la violence verbale à la violence physique, il n’y a qu’un pas, qui a été franchi mardi dernier avec l’agression d’une militante de HIJOS, ligotée, battue et abusée sexuellement à son domicile par deux individus qui l’ont menacé de mort.

L’association ¿Dónde Están? (Où sont-ils ?) invite tous ses sympathisants à participer au meeting et à diffuser cette invitation. La crise argentine nous touche directement, non seulement en raison de la solidarité naturelle que nous ressentons envers tous nos camarades latino-américains, mais aussi en raison de la répression que nous avons subie pendant le Plan Condor et de la présence de dizaines de milliers de compatriotes en Argentine.

A rgentine. Une marche massive pour la mémoire, la vérité et la justice, à l’occasion du premier 24 mars d’un gouvernement négationniste (pressenza.com)